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Kazigoine & MoonSo6
29 octobre 2007

11 - Locas por el mambo

Sur l'air de Benny More, Locas por el mambo.

                                             sib_mol

Par une belle nuit d’été, le Chambellan dort. Il se tourne et se retourne dans le tout petit lit qu’on l’autorise à occuper au château, dans sa toute petite chambre. La sueur perle à son front car cette nuit il fait chaud. Il se tourne et se retourne encore, sa gorge émet de petits grognements : il rêve. 

Machin ne connaît pas vraiment l’endroit où se déroule la scène, mais tout semble à peu près clair : le dancing est magnifique et fait songer aux films des années 1950, avec des lumières roses et jaunes, des décors riches faits de plumes et de végétaux , de milliers d’ampoules irisées et de confortables fauteuils de cuir. Chaque petite table est illuminée par une lanterne qui éclaire les clients d’un vert pétillant.

La scène semble incendiée par les dizaines de becs de gaz qui se trouvent à son bord. Pour le moment, le rideau rouge est tiré.

Lui, Machin, se trouve en coulisse et, une fois n’est pas coutume, il transpire tout ce qu’il sait. Il a plus ou moins conscience qu’il est en train de rêver, mais sent qu’on attend quelque chose de lui… Quelque chose de très stressant qui lui envoie des éclairs fulgurants dans le ventre… C’est lui qu’on attend sur scène, il a envie de vomir !

Les premières notes de musique retentissent, ce sont les cuivres que font vivre 5 escargots… Le rideau semble s’ouvrir et jette toute la clarté de la scène jusque dans les coulisses… Le Chambellan baisse les yeux sur son propre corps et se découvre vêtu d’une superbe redingote noire à paillettes.

Maintenant le décor sur la scène lui est visible : des dizaines de plantes vertes, des palmiers, des plumes d’autruche duveteuses, des escaliers éclairés par les dizaines de bouches brûlantes, des fruits en plastique.

L’introduction du morceau est terminée, le Chambellan n’a toujours pas bougé. Le chanteur s’avance en se dandinant. Machin ne le voit que de dos. Il est lui aussi vêtu très élégamment, une veste blanche immaculée à liseré noir sur les épaules, mais quelque chose cloche… Pas de pantalon et une longue queue à piques, c’est Kazigoine qui s’avance et prend le micro à pieds !

Le spectacle peut commencer, les premiers mots que le lézard susurre sont, le Chambellan le sait, le signal de départ pour son entrée en scène.

« ¿Quién inventó el mambo que me sofoca? »

Timp… timp tinlinmp ! Le Chambellan s’avance sur scène…

«¿Quién inventó el mambo ?… »

La partenaire du Chambellan arrive par l’autre coulisse, c’est MoonSaucisse dans un magnifique lamé rose foncé. Sa jambe épaisse et musclée sort régulièrement de la longue fente de sa robe.

« ¡ Que a las mujeres las vuelve loca ! »

Le Chambellan prend MoonSaucisse dans ses bras, le show peut commencer.

Enrobés des notes de musique sucrées, Machin et MoonSaucisse dansent langoureusement sous le regard bienveillant des clients du dancing.

                                                                    claves

Machin n’a jamais pris de cours de danse et pourtant tout est limpide. Ce que son bras et ses épaules intiment à sa cavalière de faire, MoonSaucisse l’exécute dans la plus grande fluidité. Il sent tous les muscles de la justicière souples et tendus à la fois, les tours s’enchaînent, elle sait obéir à la perfection, leurs corps agissent en harmonie.

Parfois du coin de l’œil, Machin aperçoit l’orchestre : Kazigoine est parfait dans son rôle de crooner, sa longue queue battant la mesure et lui assurant la stabilité nécessaire pour les mouvements saccadés de ses pattes palmées ; les escargots assourdissent l’oreille de leur souffle, deux tortues tiennent des claves, quelques tatous assurent les chœurs : « ¡Que a las mujeres la vuelve loca !».

« ¿Quien dice que la conga y la guaracha…pueden ser como el mambo que es tan sabroso ? »

Jamais danse n’aura été plus romantique… Parfois Machin cambre MoonSaucisse et leurs regards se croisent… Machin pense qu’il n’a jamais autant transpiré de sa vie et voudrait ôter sa veste et embrasser sa cavalière, mais les spectateurs sont là…

« ¿Quién inventó el mambo que me sofoca? ¿Quién inventó el mambo ?…  Que a las mujeres las vuelve loca. »

Quelques tours plus tard, c’est le moment du solo de piano. Le Chambellan n’est pas plus étonné que ça de voir Face de Lune, le chien de MoonSaucisse, debout derrière l’instrument. Même en rêve il est toujours aussi moche. La bête écorchée bave en jouant, mais son solo prend aux tripes.

Et la danse continue, toujours plus langoureuse… Les jambes de MoonSaucisse volent, le Chambellan se découvre des talents de guidage insoupçonnés… Parfois il jette un coup d’œil aux clients du cabaret. Il aperçoit alors de drôles de personnages : crapauds attablés et attentifs, souris sirotant du whisky, la Mère Tinville… Tiens mais elle est pas morte la semaine dernière celle-là ?…

Les cuivres sonnent de plus en plus fort et le Chambellan étouffe. Il sait que c’est bientôt le grand final.

… Trois pas de côté, un jeté, une fente de guibole… Encore trois tours et voilà… Le final : un porté.

MoonSaucisse d’élance depuis l’autre bout de la scène, les deux bras en avant… Machin l’attend, les bras solidement amarrés, la force dans les épaules… Elle court… Il tend les bras… Les cuivres s’étouffent… MoonSaucisse se précipite et commence à décoller du sol…

…et écrase le Chambellan de tout son poids. Au loin un immense éclat de rire parcourt les spectateurs et se répercute comme des milliers de vagues sur les murs du club.

Réveillé et en sueur, Machin se demande si il doit se ridiculiser même dans ses rêves.

            

Il se dit que jamais il n’aurait dû manger cette omelette aux champignons mauves en regardant sa cassette de Dirty Dancing hier soir.

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